La prochaine rencontre CR2P aura lieu le 12 Avril à 13h en Amphi de Paléontologie.

Michel Laurin et Gilles Didier

Estimation paléontologique des taux de cladogenèses, extinctions et fossilisation et des temps de divergence: nouvelles méthodes développées (en partie) au CR2P

Un des buts principaux de la paléontologie est de documenter l’histoire du Vivant (temps d’apparition et de disparition des clades) et les grands événements évolutifs, dont les radiations évolutives et les événements d’extinction de masse. Cependant, pour bien comprendre ces événements, il est nécessaire de connaître les taux normaux de cladogenèses et d’extinction des divers taxons dans le passé. Or, ces phénomènes sont encore assez mal compris, en partie parce que la plupart des études dans ce domaine ont soit négligé le registre fossile, soit ignoré la phylogénie. Dans le premier cas, des arbres (généralement moléculaires) calibrés dans le temps ont été utilisés pour déterminer un taux net de diversification (taux de cladogenéses moins taux d’extinction) à l’aide de la méthode de Nee et al. (1994). Dans le second cas (e.g. Finarelli & Liow, 2016), de grandes banques de données (comme la Paleobiology Database) ont été utilisées pour étudier des taux de renouvellement de taxons, mais sans contexte phylogénétique, ce qui pose divers problèmes : pseudoextinctions causés par des successions de taxons paraphylétiques, dont certaines dans des chronoespèces, non prise en compte de lignées-fantômes, etc.

Nous avons donc adopté une approche combinant les avantages de ces deux approches en utilisant des phylogénies incorporant de l’information détaillée sur le registre fossile (âge de chaque horizon fossilifère de chaque taxon inclus dans l’analyse). Nos résultats (Didier et al. 2017), très encourageants, démontrent, à l’aide de simulations, que les estimations des taux de cladogenèses et d’extinction sont bien plus précis (erreurs d’estimations divisés par deux ou trois) que ceux obtenus par la méthode de Nee et al. (1994). Nos estimations du taux de fossilisation nous donnent une idée de la paléobiodiversité que nous ne connaissons pas encore. Ainsi, notre analyse d’un jeu de données sur 50 espèces de synapsides permo-carbonifères suggère que moins de 14% des branches de cet arbre sont directement représentées dans le registre fossile. Un logiciel convivial (Diversification) est disponible pour utiliser notre méthode ; il requiert un arbre de référence (ou une population d’arbres) en format Newick (le format adopté dans les documents Nexus utilisés par PAUP, MacClade et Mesquite) et des données stratigraphiques en format csv (facile à générer dans Excel ou Open Office).

Notre méthode peut encore être développée pour donner des informations plus fines. Ainsi, il devrait être possible d’estimer les variations dans le temps des taux de cladogenèses, extinctions, et fossilisation. Ceci permettra d’étudier les radiations évolutives, extinctions de masse, et de mettre en évidence des différences importantes dans le potentiel de préservation des taxons, ou des variations dans le temps dans la richesse du registre fossile. De même, un travail en cours démontre que notre méthode permet d’estimer la distribution de probabilité des temps de divergence, ce qui permettra de calibrer dans le temps l’ensemble de l’arbre du vivant, même pour des clades entièrement éteints depuis longtemps (pour les clades possédant un registre fossile adéquat et un phénotype suffisamment variable pour permettre des inférences phylogénétiques raisonnablement robustes).

Ces approches sont utilisables pour tous les taxons et toutes les échelles temporelles, ce qui ouvre de larges perspectives de collaboration.

Publié le : 05/03/2018 19:38 - Mis à jour le : 02/06/2023 11:22