Valéry Zeitoun interviendra lors de la 4ème séance du séminaire Histoire et d’épistémologie de la préhistoire organisé par l’UMR 7194 « Histoire Naturelle de l’Homme Préhistorique (HNHP) et animé par Arnaud Hurel.

Valéry Zeitoun

Temps et histoire de l’Homme : Les paléoanthropologues ont-ils tous été piqués avec une aiguille de chronomètre ?

Après que la théorie de l’évolution a convaincu les anatomistes d’insérer l’Homme dans une trame biologique plus large donnant ainsi naissance à la paléoanthropologie, il semble que cette dernière soit désormais davantage encline à écouter le son des chronomètres qu’à regarder la réalité anatomique.

Appartenant au domaine de l’évolution biologique la paléoanthropologie est intrinsèquement historique et biologique. Or, toute référence au temps induit la question de la relativité des référentiels choisis. Ainsi, un recul chronologique plus ou moins important répondra à l’interrogation quant à « l’origine » de l’homme. Du point de vue des hominidés, des primates ou encore des mammifères, entre autres catégories auxquelles est lié l’homme, la  réponse diffère : Quaternaire, Paléogène, Jurassique. La géographie n’est pas non plus ni la même, ni de même dimension : l’Afrique, l’Ancien Monde, la planète…

Le choix des référentiels spatio-temporels ne rend pas seulement compte de l’imprécision de nos connaissances, il donne également du sens à un discours selon des perspectives différentes. Tout effet d’échelle éclaire ou rend flou, selon le cas, le discours que nous tentons d’avoir sur la réalité.

Comment se fait-il que les estimations chronologiques de la génétique vont jusqu’à dicter des scénarios qui ne prennent plus en compte les faits paléoanthropologiques eux-mêmes ?

Le cours historique de la descendance des êtres vivants et l’évolution de leurs capacités et performances fonctionnelles et cognitives suivent plusieurs chemins identifiables par des caractéristiques à différentes échelles : populations, individus, cellules, génomes.

Les différences ou les similitudes qui sont utilisées pour proposer des relations phylogénétiques ou d’apparentements -et donc des scénarios évolutifs- entre les différents êtres vivants doivent remettre la chronologie à sa juste place. C’est ce que la révolution cladistique des années 1980 a prôné en distinguant trois sources distinctives de la similitude : le partage de caractères dérivés, le partage de caractères primitifs et l’homoplasie (réversions et convergences). Ainsi, le temps ne doit plus être un élément d’inférence phylogénétique mais une dimension dans laquelle s’exprime la sélection naturelle qui conduit au maintien de variations momentanément avantageuses, en défaveur d’autres variations moins propices à la reproduction. Ainsi, certains taxons auront eu la possibilité de transmettre, en se reproduisant, des caractéristiques anatomiques et comportementales.

Plusieurs modèles sont proposés pour expliquer des faits documentés dans les archives de la terre et dans les archives de la vie mais la sélection naturelle explique une histoire évolutive unique liée à la contingence du milieu et, si le milieu change, ses conditions d’efficience changent également condamnant ainsi toute approche déterministe même si le temps est unidirectionnel.

Les nouvelles méthodes de datation bouleversent les scénarios paléoanthropologiques en remisant d’anciennes hypothèses dans des cabinets de curiosités mais le temps n’est qu’une dimension de l’expression de la sélection naturelle pas un critère mobilisable pour la reconnaissance anatomique : Pour éviter de « prendre des vessies pour des lanternes », le verre de montre du chronologue ne doit pas être confondu avec celui de la loupe de l’anatomiste.

 

La séance se tiendra en visioconférence avec en première partie l’intervention de Mathilde Lequin (PACEA). 

Plus d’information et lien de connexion sur le site de l’HNHP

Published on: 25/05/2022 15:13 - Updated on: 06/10/2023 16:34

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