Paléobiologie et paléoenvironnements au Miocène inférieur : Apport des rongeurs aux corrélations inter-régionales en Afrique sub-saharienne
par Laura Bento Da Costa
Thèse de doctorat sous la direction de Loïc Ségalen et de Brigitte Senut.
Présentée et soutenue publiquement en ligne le 15 décembre 2020 devant le jury composé de :
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M. Pablo Pelaez-Campomanes, Senior Researcher MNCN-CSIC, rapporteur
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M. Christophe Snoeck, Research Professor, rapporteur
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M. François Baudin, Pr Sorbonne Université, examinateur
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Mme Sophie Montuire, DE EPHE, examinatrice
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M. Romain Amiot, CR CNRS, examinateur
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M. Loïc Ségalen, Pr Sorbonne Université, co-directeur
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Mme Brigitte Senut, Pr MNHN, co-directrice
Résumé
Depuis de nombreuses années, les rongeurs sont largement étudiés pour la diversité de leur écologie et de leurs adaptations locomotrices variées allant d’espèces fouisseuses jusqu’à planeuses. Cette diversité est représentée dans le registre fossile, notamment par les restes abondants retrouvés dans les gisements du Miocène inférieur de Napak (Karamoja, Ouganda) et de Grillental, Elisabethfeld et Langental (Sperrgebiet, Namibie) et qui forment le coeur de cette thèse. Plusieurs espèces provenant de ces sites ont été étudiées: Paranomalurus bishopi, Paranomalurus walkeri (Anomaluridae), Nonanomalurus soniae (Nonanomaluridae) et Renefossor songhorensis (Renefossoridae) présents seulement à Napak, et les espèces namibiennes Bathyergoides neotertiarius (Bathyergidae) et Diamantomys luederitzi (Diamantomyidae), cette dernière représentée dans les deux régions. Après avoir actualisé la systématique de ces taxons, les analyses morphométriques discriminantes ont permis la prédiction de leur comportement locomoteur, lié à des adaptations claires au niveau du crâne, humérus, ulna et fémur. Ces dernières sont liées à la stabilisation et mobilité des membres, les arboricoles privilégiant une mobilité plus accrue pour le déplacement dans les arbres ou le planage, tandis que les terrestres et fouisseurs favorisent une stabilisation du membre. Ainsi, ces analyses montrent des espèces spécialistes, avec celles du genre Paranomalurus prédites comme planeuses, Nonanomalurus soniae majoritairement arboricole, et Bathyergoides neotertiarius montrant des adaptations au fouissage. Diamantomys luederitzi est considérée comme une espèce généraliste comme le suggère son répertoire locomoteur varié. La variabilité de ces comportements locomoteurs souligne une hétérogénéité des environnements ougandais et namibien Miocène, mise aussi en évidence par les analyses isotopiques des δ13C et δ18O réalisées sur leur émail dentaire. En effet, l’analyse de leurs groupements carbonates indique un milieu ouvert à dominance de plantes C3 avec la présence d’îlots boisés, caractérisé par une savane arborée, confirmé par les modes locomoteurs de ces espèces, adaptées à des niches écologiques variées. Ces rapports isotopiques couplés aux comparaisons avec les grands mammifères indiquent un environnement plus humide et/ou à température moins élevées qu’aujourd’hui dans les localités namibiennes et ougandaises ; la région namibienne étant moins humide et potentiellement plus chaude que l’Afrique de l’Est au Miocène inférieur.
Abstract
For several years, rodents have been actively studied because of their ecological diversity, showing various locomotor adaptations ranging from fossorial to gliding species. This diversity is represented in the fossil record by abundant remains found in the lower Miocene sites of Napak (Karamoja, Uganda) and Grillental, Elisabethfeld and Langental (Sperrgebiet, Namibia). This study focusses on several species from these sites: Paranomalurus bishopi, Paranomalurus walkeri (Anomaluridae), Nonanomalurus soniae (Nonanomaluridae) and Renefossor songhorensis (Renefossoridae) found in the Ugandan sites, and the Namibian species Bathyergoides neotertiarius, and Diamantomys luederitzi (Diamantomyidae) the latter of which is represented in both areas. After updating the systematics of these species, discriminant morphometric analyses allowed prediction of their locomotor behaviour, linked to clear adaptations in the skull, humerus, ulna and femur ensuring stabilization or increase of mobility of the limbs: the arboreals privilege the mobility of their movements in the trees or when gliding, while the terrestrials and fossorials favour stabilization of the limbs. Thus, these analyses highlight specialist species, such as those of the genus Paranomalurus predicted as gliders, Nonanomalurus soniae principally arboreal and Bathyergoides neotertiarius showing fossorial adaptations. In contrast, Diamantomys luederitzi shows a variety of locomotor repertoires, and is considered to be a generalist. The locomotor variability indicates environmental heterogeneity in Uganda and Namibia, highlighted also by the δ13C and δ18O analyses carried out on their dental enamel. Indeed, the analysis of the carbonates shows an open environment with a C3-plant dominated vegetation, with the presence of woodland patches, characterizing a wooded savannah in both areas. These isotopic ratios, when coupled with the comparisons isotope ratios of large mammals, indicate a more humid and/or cooler environment in the Ugandan and Namibian sites than occurs in these countries today, with the Namibian being less humid and/or having a higher temperature than the East African during the lower Miocene.