L’équipe PALFORS (Paléobiodiversités : forçages géodynamiques) réunit des chercheurs et chercheuses qui travaillent à la description de la paléobiodiversité ainsi qu’à l’étude de son évolution et de celle des paléoécosystèmes à différentes échelles de temps et d’espace.

Paléobiodiversités : forçages géodynamiques - PALFORS

Coordination : Marie-Béatrice Forel, Grégoire Métais

Mots-clés : paléobiodiversité, paléoclimats, paléoenvironnements, paléogéographie, paléoécologie, biochronologie, systématique, assemblages, terrain, taphonomie

L’équipe PALFORS réunit des chercheurs et chercheuses qui travaillent à la description de la paléobiodiversité ainsi qu’à l’étude de son évolution et de celle des paléoécosystèmes à différentes échelles de temps et d’espace. PALFORS étudie les facteurs biotiques, abiotiques et historiques qui ont amené à l’expression actuelle de la paléobiodiversité. L’équipe se fonde sur la riche expertise pluri-taxinomique des membres de l’unité et mobilise des savoir-faire complémentaires des thèmes développés dans l’équipe EVOMORPH. Cela implique une réflexion qui intègre les processus et mécanismes à l’échelle globale, et permet d’expliquer les grandes variations biologiques, liées à la réponse de l’environnement, de la géographie et du climat à des forçages externes (ex : astronomique, tectonique, volcanique).

Crises, fréquence et ampleur des changements climatiques ou géographiques contribuent à l’évolution de la biodiversité. Les déchiffrer implique de prendre en compte différentes échelles taxinomiques, chronologiques et spatiales pour répondre aux questions posées. Cet axe implique la mise en œuvre d’outils dédiés (ex : biogéographie historique et cladistique, délimitation d’aires d’endémisme) et le développement d’une réflexion méthodologique (ex : taphonomie, actualisme, biogéographie).

Les modalités d’action mises en œuvre par les membres de PALFORS visent à déployer plusieurs chantiers/ateliers via une collaboration étroite et ouverte sur des terrains dédiés, dans le cadre de collaborations internationales inscrites sur le long terme. Plusieurs régions seront privilégiées pour mener des approches intégrées : Archipel européen (Crétacé-Paléogène), Bassins téthysiens – péri-téthysiens, Afrique insulaire, Ancien Monde, Blocs cimmériens, Afrique australe, Afrique orientale, Panthalassa, Western Interior, Bassins paléozoïques français, Gondwana (Maroc, Niger, Madagascar, Afrique australe), Groenland, Antarctique, Asie du Sud Est, Sous-Continent Indien, Océans Indien et Pacifique tropicaux. L’équipe PALFORS s’appuiera sur les données originales issues de ces missions de terrain et en mer et sur les collections nationales auxquelles le CR2P est adossé. 

Question 1 : Quelles sont les interactions entre la paléobiodiversité, les paléoenvironnements et les paléoclimats ?

Groupe FORÇAGES (M.-B. Forel)

Cette question à l’interface entre biosphère et géosphère a pour objectif de caractériser le rôle et la réponse des forçages lents et rapides à différentes échelles sur la paléobiodiversité marine et terrestre, végétale et animale. Elle s’intéresse aux cycles biogéochimiques et aux liens et rétroactions entre environnement-biologie-écologie. L’évolution des écosystèmes, les ruptures/crises et transitions environnementales, crises biologiques sont parties prenantes des travaux mis en œuvre selon quatre sous-thèmes :

1) Changements globaux et crises (D. Desmares)

Ce sous-thème s’intéresse aux intervalles critiques de variations de la paléobiodiversité. Ces intervalles correspondent aux crises mineures à modérées (comme les événements anoxiques océaniques et hyperthermiques), aux extinctions massives (crise fini-dévonienne, crise Permien-Trias, crise Trias-Jurassique, crise Crétacé-Paléogène), et aux périodes de récupération et de rediversification. Ainsi, entre chaque crise, la biodiversité se réinvente dans ce que l’on appelle les périodes de récupération qui remodèlent la structure des écosystèmes. Les recherches menées au sein de ce sous-thème visent à décrire la réponse des différents écosystèmes marins ou continentaux aux événements de crises environnementales.

2) Interactions climats – environnements – organismes (A. Bartolini)

Ce sous-thème cible les organismes en tant que traceurs et acteurs des variations climatiques du passé. Les principaux objectifs sont de : 1) mieux comprendre comment le signal climatique est enregistré dans les archives fossiles par les assemblages, les variations morphologiques intraspécifiques et les proxies géochimiques ; 2) retracer la réponse/adaptation/résilience de la biodiversité et des écosystèmes aux changements climatiques passés (Fig. 1A) ; 3) révéler les mécanismes de rétroaction biotique aux forçages climatiques abiotiques (ex : volcanisme, astronomique). Pour la validation des signaux paléoclimatiques, nous nous référerons également aux observations des organismes vivants et des écosystèmes actuels, ainsi qu’aux expériences de laboratoire menées en collaboration avec des biologistes, des écologistes et des géochimistes.

3) Paléoenvironnements et milieux extrêmes : adaptations et évolution (M.-B. Forel)

Ce sous-thème émergeant a pour objet la description du lien structurant entre paléobiodiversité et paléoenvironnements (ex : substrat, micro-habitats). Une attention particulière sera portée à la biodiversité des milieux extrêmes (ex : sources hydrothermales, suintements froids, zones hypersalines, mangroves) dont le registre fossile reste lacunaire. Ils seront étudiés sous l’angle des réponses biologiques et adaptations des organismes et assemblages aux conditions de vie stressantes. Il visera plus particulièrement à décrire l’émergence et l’histoire évolutive des communautés chimiosynthétiques modernes tout au long du Mésozoïque et du Cénozoïque (Fig. 1B). Les aspects géodynamiques y seront fondamentaux, en lien avec les sous-thèmes du groupe “Fragmentation”.

4) Taphonomie et conservation exceptionnelle (S. Charbonnier)

Les Lagerstätten sont des sources inégalées d’information sur la paléobiodiversité. Des études seront menées sur les Konservat-Lagerstätten (ex : Ediacarien de Roumanie, Jurassique de La Voulte-sur-Rhône, de Solnhofen, Crétacé du Liban, Éocène de l’Oise) et les Konzentrat-Lagerstätten (ex : falunière de Grignon, Crétacé inférieur d’Angeac-Charente) afin d’accéder à des informations systématiques, paléobiologiques, paléoécologiques et paléoenvironnementales sur des taxons inconnus, très rares ou incomplets dans le registre fossile standard. La compréhension des mécanismes de ces préservations exceptionnelles (tissus mous, préservation en 3D des nodules, ambre) sera également abordée d’un point de vue taphonomique afin de révéler les phases minéralogiques et la géochimie des tissus fossilisés. 

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Fig. 1. A. Reconstitutions des températures océaniques de sub-surface au site DSDP 401 (Atlantique Nord) au Paléogène, dérivées de la composition isotopique de l’espèce Subbotina linaperta (points bleus) et comparaison avec les températures de surface (points blancs) mesurées sur le genre Morozovella (Bornemann et al. 2016). En ordonnée, en bas de l’image, reconstitution de la porosité de l’espèce Subbotina linaperta. La porosité augmente avec les températures dérivées (Below et al. 2022).

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B. L’ostracode Procytherura praecoquum est un représentant important d’une des plus anciennes communautés chimiosynthétiques de suintements froids à la structure moderne (Drôme, France). Sa surface finement poreuse pourrait indiquer une ectosymbiose bactérienne. La barre d’échelle représente 100 μm (Forel et al. 2024).

Question 2 : Comment la fragmentation géographique impacte la paléobiodiversité ?

GROUPE FRAGMENTATION (G. METAIS)

S’intéresser à l’évolution de la biodiversité soumise à la fragmentation géographique permet d’intégrer différentes dimensions (marin/terrestre, végétal/animal) pour mieux comprendre les processus de construction, d’enregistrement et de préservation des différentes communautés biologiques et de leurs habitats. Les travaux s’intéressent particulièrement aux aires d’endémisme, notamment les domaines « insulaires », dans un cadre macroévolutif. 

1) Fragmentation pangéenne et relations trans-téthysiennes (N.-E. Jalil)

À travers des sites d’intérêt pour l’essentiel africains (Maroc, Algérie, Mali, Niger, Afrique du Sud, Madagascar…), il vise à documenter la paléobiodiversité, les paléoenvironnements et la paléobiogéographie des faunes et flores pangéennes dans leurs contextes paléogéographiques successifs (Afrique pangéenne et gondwanienne, Arabo-Afrique insulaire, fermeture de la Téthys et émergence de l’Ancien Monde). Outre une vue approfondie de l’impact évolutif de cette longue et remarquable histoire géodynamique sur l’évolution locale en Afrique, les travaux dans le cadre de ce chantier examineront également la vicariance et les dispersions hors d’Afrique.

2) Paléogène du bassin de Paris et archipels européens au Crétacé et au Paléogène (C. Del Rio)

Ce sous-thème s’intéresse à l’évolution des flores et des faunes en Europe durant la période Crétacé/Paléogène. Cette période est caractérisée par des fragmentations majeures géographiques (formation d’archipels, “Grande Coupure”) et climatiques (augmentation abrupte des températures à la limite Paléocène-Éocène, baisse drastique des températures à la limite Éocène-Oligocène) qui impactent l’évolution et la répartition géographique des faunes et des flores (Fig. 2). Ce sous-thème étudiera la sensibilité différentielle des flores et faunes face à ces changements parfois brutaux, en prenant appui sur les nombreux sites européens du Crétacé au Paléogène et en particulier ceux du bassin de Paris.

Fig. 2. Différentes vues du fruit de Cyrtocarpa biapertura, une nouvelle espèce d’Anacardiaceae du gisement de Rivecourt dans l’Oise. Cette espèce indique un climat subtropical durant la période Paléocène-Éocène au niveau du Bassin de Paris (Del Rio et al. 2023).

3) Évolution des faunes et flores dans les provinces péri-téthysiennes et dans l’Ancien Monde (E. Gheerbrant)

Ce sous-thème s’intéresse à la mise en place et l’évolution des faunes et flores de l’Ancien Monde avant, pendant et après la fermeture de la Téthys. Les origines anciennes de la biodiversité du royaume moderne de l’Ancien Monde, en particulier l’héritage des provinces péri-téthysiennes, sont mal connus. La question est abordée dans le temps long (Jurassique-Quaternaire) et à travers l’étude des grandes aires d’endémismes impliquées, Afrique insulaire, provinces africaines néogènes et quaternaires, Archipel européen, Inde et provinces asiatiques (Fig. 3). Le sous-thème examinera les processus mis en jeu dans les relations biotiques entre les aires endémiques (ex : vicariance et dispersion). Les études sont fondées sur des données fossiles originales issues de nos recherches de terrain. Un point fort sera la production de descriptions anatomiques et d’analyses phylogénétiques et biogéographiques.

Fig. 3. Paléogéographie péri-téthysienne à environ -45 Ma, et fossiles de mammifères embrithopodes qui attestent de dispersions trans-téthysiennes. A droite, l’histoire de l’archipel balkanatolien telle qu’elle nous apparaît (d’après Métais et al. 2018, Licht et al. 2022), travaux en cours. Reconstitution Stlylolophus : F. Goussard et C. Letenneur.

4) Théories et méthodes en biogéographie historique (V. Rineau)

La compréhension de l’histoire des aires biogéographiques dans le temps long nécessite de nouveaux développements théoriques et méthodologiques afin de mettre en place des outils performants permettant 1) la définition et la délimitation spatio-temporelle des aires paléobiogéographiques et 2) la reconstruction des grands patrons biogéographiques qui ont structuré l’histoire de la paléobiodiversité dans un cadre cladistique. Le but de ce sous-thème est de proposer ces développements en s’appuyant de manière transversale sur les grandes quantités de données et de descriptions paléontologiques réalisées au sein du groupe afin de répondre aux questions liées à la fragmentation géographique.

Publié le : 10/01/2025 11:10 - Mis à jour le : 10/01/2025 17:54